On emprunte une route tout de suite moins touristique. Cela se ressent car les maisons deviennent gentiment moins belles. La région traversée n’en est pourtant pas moche, bien au contraire. Si les montagnes perdent en ampleur, les prairies et lacs (artificiels) proposent de beaux décors.

Notre arrivée en ville se fait, le cœur un peu lourd. On pense à tous ces pauvres déportés qui ont vécu l’inimaginable ici. Il fait gentiment nuit, l’heure n’est pas dédiée à la visite des camps pour l’instant mais plutôt au check-in et au souper, nous qui sommes bien affamés après cette route et cette rando à Morskie Oko. On est accueilli dans un bien drôle d’endroit. On longe un couloir aux lumières frétillantes, des portes sur notre droite sont protégées par des grilles, on se croirait presque en taule ! Heureusement, l’entrée de la seule piaule du bâtiment (les autres salles sont dévolues à des commerces style tatoueur, coiffeur…) est moins lugubre mais tout de même, on se demande où on arrive. La chambre est correcte, bien que plus froide que d’habitude. On rapproche nos 2 lits puis on part en ville.

C’est assez petit, l’ambiance est un peu tristoune. Qu’à cela ne tienne, on part voir à quoi ressemble un premier bistrot à cocktail repéré sur tripadvisor par « miss dégoteuse de bon plan ». On arrive devant ses belles vitrines mais alors là, il n’y a vraiment pas un chat. Ca nous enchante guère. On va donc vers l’autre belle adresse qu’elle a relevée. On passe par un rynek de petite taille puis on continue le long d’une rue encore bien entretenue. Oswiecim (Auschwitz en polonais) a de l’allure par endroit. La belle demeure où l’on mange (là, on est satisfait et séduit par l’intérieur) est recouverte de lierre aux feuilles tant vertes que rouges. Tam y déguste des merveilleux cocktails pleins d’originalité. Et que dire de sa soupe en entrée ? A la poire, aux graines des sésames rouges et aux miettes de lard fumé, garnie de mini choux, elle envoie du lourd comme on dit ! Pas mal ce restau ! Juste petit hic en fin de soirée ; lorsqu’on paye, on dépose largement plus d’argent que ce qu’on leur doit. On attend, la serveuse va nettoyer des tables, s’occupe d’autres clients, rien ne revient en retour. Elle se fout de nous ou quoi ? On ne va pas vous donner 50 % de pourboire quand même ! Surpris, on va récupérer nos sous au bar. On le laisse le pourboire qu’on avait décidé, c’était bon et tout, mais là c’est juste malhonnête de ne rien nous ramener, d’autant plus que la serveuse s’exprimait relativement bien en anglais et qu’on n’a jamais dit qu’elle pouvait tout garder. Bref, l’essentiel est qu’on ait passé une belle soirée et c’est le cas.

Après une nuit plus confortable qu’attendu, on se prépare. Un peu à l’arrache, je cours en bas nous chercher de quoi grailler un peu aujourd’hui. Je vais au petit shop juste en dessous mais il n’y a pas de quoi faire rêver pour déjeuner alors j’accélère jusqu’à une place non loin de là à la recherche d’une boulangerie. Il doit bien y en avoir une. Eh oui, le flaire a payé. Je baragouine un peu de polonais rapidement pour me faire servir deux belles tranches de cake marbré, deux baguettes et 300 grammes de jambon coupé en tranches puis je file rechercher Tam. En 7 minutes, on atteint le camp de concentration. Le pouls change de rythme, on se rend compte gentiment qu’on arrive vers l’un des lieux les plus abominables de l’histoire humaine. L’ambiance est austère, le respect est de mise, on avance calmement vers l’entrée du musée. Sachez bien qu’en cette période de pandémie, on ne peut pénétrer sans un précieux sésame commandé préalablement. Si on veut visiter seuls, ce qu’on ne recommande pas, c’est possible mais seulement entre 8 et 10h puis entre 15 et 17h. Pas tant arrangeant de toute façon. On passe les divers écueils de sécurité. Nos identités sont bien enregistrées puis on nous donne des casques audio. La visite se fait ainsi, avec un guide s’exprimant en français (mais avec un bon accent polonais) dans un petit micro et on peut l’entendre sans être à côté de lui, c’est pratique. On aura pu rester plus longtemps dans des endroits, les yeux concentrés sur un élément, les oreilles ailleurs écoutant ses explications. Franchement, c’est bien fait. 

Précisons désormais cette visite du camp de concentration le plus tristement populaire de la seconde Guerre mondiale. Tout commence devant cette grille, tant connue : Arbeit macht frei ! Des frissons ! On imagine les gens qui traversaient cette terrible « frontière », inconscient des réels dangers encourus. Quelle barbarie y a régnée ! Les allées sont comme on les avait imaginées, les bâtiments bien conservés, on peut relativement imaginer comment c’était à l’époque. Mais je dis bien relativement car je pense que nos cerveaux sont incapables de saisir l’inimaginable correctement. Le guide est là pour nous aider, mais, peut-être par un mécanisme de protection, on peine à croire tout ce qu’on entend tant ça dépasse l’entendement 

Certains blocks ont été réhabilités pour présenter des éléments clefs des déportations. On peut y trouver des objets récupérés (évidemment volés) par les nazis pour fournir l’Allemagne. Ils gardaient tout, chaussures, valises, casseroles, prothèses, tout pouvait servir. Le pire aura été la culture de poils. Ils rasaient tous les nouveaux arrivants dans les camps et récupéraient les cheveux pour en faire une sorte de laine pouvant servir dans le monde du textile. Mais quelle horreur ! Quand le camp d’Auschwitz a été libéré, ils ont retrouvé 7 tonnes de cheveux prêt à être envoyés, 7 tonnes ! De la folie !

On a des blocks plus explicatifs, avec des présentations chiffrées et des photos. Là, le guide a justement insisté qu’il n’y avait pas que des juifs déportés dans ces camps. Si la majorité des meurtres y ont été perpétré contre des gens de cette confession, on a tué d’abord des polonais cultivés. On y a envoyé des prisonniers de guerre, essentiellement soviétiques, des handicapés, des tsiganes, des homosexuels, des témoins de Jéhovah ... juste parce qu’ils étaient ce qu’ils étaient. Plus d’un million de morts entre les « mûrs » d’Auschwitz ! On nous présente ensuite la prison dans la prison. On y mettait les personnes qui pouvaient donner des informations utiles aux nazis. Qu’ils se dévoilent ou non, les gens étaient torturés puis zigouillés, pardonnez-nous du terme mais c’est exactement ça ! Pas de pitié ! On a pu apercevoir encore le champ de tir principal pour les mises à mort. Mon Dieu, mais comment est-ce que tout ça a pu être possible ? 

On nous raconte quelques mouvements de révolte qui ont pour l’extrême majorité été sévèrement punis. Quand on tentait la fuite, on ne faisait pas que tuer le fuyard, mais on tuait tout le groupe de travail qui l’accompagnait. Les innocents parmi les innocents perdaient la vie juste pour faire comprendre une leçon. Les détenus étaient donc coincés, ils ne souhaitaient par-dessus tout pas provoquer des meurtres à la chaine. Ils étaient sadiquement malins ces cons de nazis !

On finit notre visite du site d’Auschwitz par la première et unique chambre à gaz encore « en état ». Il faut savoir que lorsque les Allemands ont vu le vent tourner, ils ont fait exploser ces salles d’exterminations afin de cacher tant que possible leurs agissements au monde. On rentre dans une salle de relative petite taille comparée aux autres dévolues à la même cruauté. On nous raconte qu’on faisait croire aux nouveaux arrivants qu’ils devaient se désinfecter et donc prendre une douche avant de pouvoir retrouver leur proche (on séparait hommes et femmes (+ enfants de moins de 15 ans)), de l’autre côté du « tunnel ». Hélas, ils ne voyaient pas le bout du « tunnel ». Ils se déshabillaient ici à l’extérieur, aux yeux de tous (il n’y avait pas de vestiaire dans les premières chambres à gaz. Dégradés au possible, les gens devaient se douter qu’il se tramait quelque chose d’étrange mais en même, temps, rien ne tournait plus rond alors il faisait confiance aux soldats allemands qui leur disaient de retenir leur numéro d’immatriculation afin de rendre encore plus crédible leur mensonge. Cela ne servait à rien car une fois rasés, entassés et enfermés dans les chambres, on leur jetait depuis des cheminées du Zyklon B qui anéantissait les gens en moins de 20 minutes. Les fours crématoires directement reliés au salle brûlaient les corps à la chaine, mais il fallut en construire des plus grands car les nazis tuaient plus de gens que ce que les fours pouvaient rendre en cendres. Le hic également de la chambre que l’on a visitée, c’est qu’elle était trop proche des blocks d’habitation des déportés et qu’on risquait d’entendre les cris des empoisonnés. C’est pourquoi cette chambre a été vite abandonnée au profit de plus grandes et plus éloignées. Il ne fait selon nous cela dit aucun doute que les prisonniers devaient savoir quel sort était réservé aux gens en méformes ou aux comportements rebelles.

La visite de 3 heures a marqué une pause à ce moment-là. La raison est qu’il faut se déplacer au camp voisin de Birkenau. Pour ce faire, un bus relie les 2 lieux toutes les 10 minutes. On a juste le temps d’aller se faire des sandwichs à la voiture puis d’embarquer. Arrivé sur place, on reconnait bien une nouvelle fois l’entrée du camp avec ses rails menant en son sein. La visite continue sans micro. Il faut rester proche du guide pour ne perdre aucune miette. C’est moins pratique mais on s’en accommode. Il nous indique où se postait le chef médecin qui avait droit de vie ou de mort sur les nouveaux arrivants. D’un simple geste de la main, il observait les gens en quelques secondes et les déclarait aptes au service ou non. Mieux valait l’être, sinon, vous ne leur serviez à rien et étiez dirigés tout droit vers la mort.

Ici, l’ensemble du camp est plus herbeux, les blocks sont moins imposants. On en trouve certains en brique, mais d’autres étaient faits de bois car les nazis n’avaient plus de briques (qu’ils avaient récupérées en détruisant des maisons dans les villages voisins) pour construire. Les conditions devaient être exécrables. On peut visiter l’une des bâtisses. On y voit des « lits » à trois étages constitués uniquement de planches en bois. Il fallait être bien vu pour pouvoir dormir en haut, à l’abri des éventuelles diarrhées fréquentes (rien d’étonnant vu les conditions de vie).

On arrive gentiment au bout de notre visite qui nous a fortement émue. On la recommande évidemment et si possible de manière guidée. Même si l’on croit connaitre déjà beaucoup de choses sur ces camps, le fait de pouvoir les visualiser, les parcourir, impacte bien plus les esprits. Et on vous l’assure, on apprend vraiment de nouvelles choses sur place.

On reprend la route vers un nouveau monde, notre monde, actuel, plus accueillant certes, mais pas très en forme comme vous le savez. Direction la capitale, demain, c’est le départ. On souhaite retourner au hala alors on ne perd pas notre temps, la route est longue.